Jacques Perdereau

Jacques Perdereau

(1953 - 2003)

 

 

 

 

Jacques Perdereau - producteur de l'émission Epsilonia sur Radio Libertaire (89.4Mhz), responsable technique de cette même radio, membre actif de la Fédération Anarchiste, auditeur attentif à la liberté... - est parti, bien rapidement. Depuis vendredi 14 novembre 2003, cet ami des musiques improvisées, électroacoustiques et plus généralement curieuses, nous manque.

(Revue & corrigé)


Jacques est parti aussi discrètement qu'il a vécu - lui qui a tant fait pour la musique free - et ce, en prenant toutes les précautions nécessaires pour l'organisation de l'émission avant son départ.
Je crois qu'il savait bien où il allait.
Infatigable animateur et technicien pour Radio Libertaire, organisateur de spectacle et avant tout ami ; Jacques était capable de créer des liens entre les multiples facettes du monde musical expérimental au travers des différentes équipes d'Epsilonia qu'il cherchait souvent à réunir autour de quelques bouteilles.
Le vide est énorme, et l'absence pèse lourd. Mais je relis souvent l'ultime phrase de son dernier mail : "Faites gaffe, j'écouterais !"
On fera gaffe, à plus tard Jacques...

Jean-Baptiste Favory


Jacques,

10 ans d’Epsilonia sur Radio Libertaire 89.4 Mhz, 10 ans d’organisation, de concerts de soutiens, et plus : de repas et de fêtes. Les studios à Montmartre, ta tête à la vitre de la cabine avec une bidise ; puis les studios au père Lachaise ; et toujours : le 48 Bd de la Villette. Les premières Epsilonia, nous diffusions des musiques passionnantes, les invités étaient captivants. Le ton était-t-il juste ? Tu ne jugeais pas, tu m’as laissé. L’atmosphère était à la liberté. Et je crois que cela devenait de plus en plus précis. Liberté d’invités, de ton, de durée, de temps, de silences. Ces musiques ne peuvent s’exprimer dans les cadres formatés des radios commerciales. Il faut tout inventer. Et cela bougeait. Des invités différents, des discutions menées autrement, des “live” à la radio, puis avec les équipes suivantes : des directs depuis les Instants Chavirés.
Luttant.
Notion que tu avais comprise depuis longtemps. La lutte est globale, et l’action passe par la permutation des rôles.
J’ai toujours préféré le bouleversement perpétuel que constitue ces musiques de traverses”, disais-tu.
Interluttants.
J’ai compris, l’ai ressenti fortement cet été. Il m’était plus facile de lutter avec les cheminots en 95, avec les sans-papiers, avec ... j’avais la sensation d’avancer, que les mentalités bougeaient, qu’on ne lutte pas pour rien.
Ce fut plus complexe (difficile et merveilleux) avec la lutte des intermittents, cet été. Aux premières loges.
Tu étais là, tout l’été.
Tu as écrit un texte pour le Revue & Corrigé de l’automne : Improviser les luttes.
Artistique social, politique.
Quelque chose a toujours réinventer.

Et merde ! Tous ceux qui ne comprennent pas ce que peut recouvrir la notion d’individualisme anarchiste.
Automne pourri pour l’anarchisme !
On s’en remettra.
Il est temps de passer à l’explicite”.

Jean-Christophe Camps.


Jacques en

terre

Jacques

Jacques,

tes yeux

tout teinté en ta vie chuchotée

tendresse trace

t’écoutant écouter j’ai tapoté la radio pas d’autres radios

89.4

ton onde va trister ta nonchalance attentive

89.4

tu m’as tiré ton tour de liberté

ta main tellement tienne

donne


Carole Rieussec


Chère Carole, cher Christophe,

Je vous remercie de m'avoir informé de la disparition de Jacques Perdereau, dont je suis très ému.
Je ne le connaissais pour ainsi dire pas si ce n'est de l'avoir croisé ici ou là lors de concerts et, bien entendu, une fois au studio de Radio Libertaire pour une émission, il y a bien longtemps...

J'en garde le souvenir, essentiellement "visuel", d'une présence discrète et bienveillante, douce et presque timide. Lorsque je le voyais au milieu du groupe il m'apparaissait très à l'écoute de ce qui se passait et semblait porter un regard paisible sur l'entourage.

Ce sont les impressions que j'ai ressenties, mais sans le connaître réellement. Qui était-il réellement, je ne le sais pas ? Mais il ne m'était jamais passé inaperçu chaque fois que nos regards se croisaient. A mes yeux, c'était quelqu'un qui compte, qui dégage quelque chose...

Vous qui le connaissiez bien, transmettez à ses proches et à ses amis tout mon soutien. De Perpignan où je serai ce mardi pour continuer d'enseigner par la création musicale une approche concrète et relativement accessible de la liberté dont Jacques était un solide relais, j'aurai une pensée toute particulière pour lui et pour tous ceux qui lui étaient chers. Bien amicalement,

Denis Dufour


Le propagandiste dit
stéréo dis cte liste en cela disent-ils préparés gandhi
dire avec des gants jacques a dit
jamais sans gant la propagande pas de guerre on est pas des pro
pas ça dit cte liste sans ça profite pas de ce pas à pas disteu... le
pas est pas pro peau prolixe dit
c’est pas dit de profil dire
dit avec des gants sans prolifération programme discret dit cte liste
je jacques promet mes gants au dire galant que ce que
j’apprivoise me dise sans le dit des pro
jaques le propagandiste un gandhi pas pro
à l’eau de vie dans la jarre anar.

Carole Rieussec (in Anartiste n°4)


Jacques, un certain vendredi

 

Des cheveux dans le ventre

Un verre de vin rempli de terre

Un fauteuil vide dans un théâtre d'ombre

Une absence

Un accroc dans le rire

Un désaccord du temps

Et des larmes qu'on accorde

Aux vivants encore là

La vie, putain la mort

Le lierre

La mauvaise herbe

Et rien dessous

Le gris de la lave

Et le rouge de ta cendre

L'embrasement de la douleur

L'odeur d'un bidis écrasé

Au cendrier du compte à rebours

 

Cathy Ytak (in Anartiste n°4)


Je n'écoute pas la radio.

Ne l'écoutant pas, c'est donc là où la musique se joue, le concert, que j'ai fini par croiser la route de Jacques. Grand échalas planté là au milieu du groupe d'écoutants, j'appris à te reconnaître, puis avec le temps à mieux te connaître. Vinrent les temps de la transhumance, du voiturage partagé, objectif : festivals, direction Nancy, le Morvan... Aller simple. Retour, comme cette année-là, du festival de Mhère, périple heureux, un plein d'essence après celui de musique, un petit détour par la cathédrale-forteresse de Vézelay pour deux athées, et puis la route. Les impressions partagées sur les musiques à peine quittées, les échanges sur cet état d'homme rentrant dans la deuxième partie de la vie, où affleuraient la poétique tout comme le politique.

Et cette image de toi, que je garde intime, cette pause cigarette perdu au milieu des arbres. En concert, on pouvait deviner ta présence sans même t'avoir encore vu, rien qu'à l'odeur de tes incontournables bidis.

Ce soir, je n'écoute pas la radio.

Patrick Boeuf (in Anartiste n°4)